Henri ou les Mémoires d'un Soldat Français, chapitre 1

(Texte déposé)

Après la guerre 1914/1918 qui ravagea tout sur son passage, nombreux sont les soldats qui périrent aux combats et qui furent enterrés pour certain et pour beaucoup loin de leur famille. Mais il y a aussi nous, les gens du peuple. Je m’appelle Henri, cette tragédie a fait que mes souvenirs remontent à l’âge de trois ans, tant événements marquant ont fait que ma mémoire s’est littéralement figée, stagnée sur toute cette souffrance, ses tueries, cette boucherie.

Je vous avoue que j’aurai aimé oublier…..

 

Je suis né en 1912 à  Mauzé sur le Mignon,  dans les Deux Sèvres, mon père Fernand Stern était un vétéran  français  incorporé le 18 Avril 1915 au 83 ème régiment d’artillerie lourde, il participait à ses missions en arrière des lignes contribuant  au ravitaillement des troupes et à l’enterrement des soldats tués au front. Ma chère maman, Hélène Stern née Hudel, avant les bombardements, travaillait dans une petite librairie tout prêt de notre  habitation, mes frères Alexis et Tanguy, plus âgés que moi, prenaient soin de notre mère et se chargeaient des tâches journalières comme couper du bois, nourrir les poules, faire du feu afin d’avoir chaud et faire cuire la soupe. Nous habitions une petite maison toute simple, nous couchions tous les cinq dans la même chambre, une pièce pour le repas et la toilette. Mes parents n’étaient pas fortunés, ils avaient du mal à joindre les deux bouts, combien de fois ai-je vu ma mère jeûner pour nous laisser manger…trop de fois. Elle tombait souvent malade et n’avait pas les moyens de faire venir un médecin,  elle se soignait à l’aide de tisanes, elle disait toujours que les plantes étaient la meilleure médecine. 

 

Un beau jour, nous vîmes arriver des soldats allemand envahir notre joli petit village, ils vidaient les maisons de leur occupants, nous accusant d’héberger l’ennemi, nous ne savions même pas de qui il s’agissait. Ils ont alignés cinq hommes le long du mur de l’église et les ont fusillés en pleine foule, juste pour en faire des exemples, je me souviens d’avoir été pétrifié, je pleurais contre ma mère qui essayait de nous protéger tous les trois. Nous n’étions plus en sécurité, nous devions partir de ce lieu qui m’a vu naître, nous devions fuir très loin, mais pour aller ou ?

 

C’était l’été, il faisait très chaud, maman avait chargé l’âne avec le peu qui pouvait nous servir et m’a installé sur le dos de cette pauvre bête, mes frères et elle, marchaient à côté, les larmes aux yeux. Je ne comprenais pas alors ce qui nous arrivait.

 

Où est père ? Va-t-il nous rejoindre ? Où allons-nous ? Demandais-je à ma mère.

Père est parti au front, mon garçon, il est parti combattre pour nous sauver de ces vilaines et méchantes personnes, dès que je le pourrai, je lui ferai parvenir un pli pour qu’il sache ou nous sommes.

 

Alors que nous longions un petit court d’eau, nous eûmes l’idée de remplir nos gourdes et de nous abreuver. En remontant le ruisseau, mère poussa un cri et nous détourna du chemin, j’ai su bien après que ses yeux s’étaient posés sur un cheval mort éventré par un obus.  Pourquoi tant de cruauté, tant de misère, tant de haine….

Dans les yeux du petit garçon de trois ans que j’étais, on pouvait déjà lire la tristesse et le désarroi.

 

Après plusieurs jours de marche, nous vîmes enfin une chaumière en pierre, le sourire de ma mère enjolivait son doux visage et nous ensoleillait le cœur.

Un couple de paysans y demeurait, seule la femme était présente, son mari avait rejoint  père et n’avait donné aucune nouvelle. Elle nous ouvrit sa porte et nous donna le gîte et le couvert, son petit nom était Solange, brave femme d’une quarantaine d’années, brune, les cheveux noués et le regard livide.

 

Vous venez d’où comme ça avec vos enfants et votre âne ? Demanda Solange.

Nous venons de Mauzé et nous sommes éreintés, je vous remercie de ce que vous faites pour nous, Dieu vous le rendra.

Dieu ? Si Dieu existait vraiment il ne permettrait pas cela ! Pardonnez-moi cette parole calomnieuse mais je suis révoltée par cette guerre qui n’en finira jamais !  De Mauzé ? Par la Ste Vierge, vous avez marché depuis là ?

Nous n’avons pas eu le choix, hélas !

 

Nous sommes restés quelque temps chez Solange, nous avons écrit une lettre à père lui expliquant ce qu’il se passait chez nous, où nous étions et où on allait ensuite. Sa réponse fut tardive mais dès sa réception nous avons sauté dessus afin de la dévorer.

 

« Ma chère épouse, mes chers fils, je suis heureux de pouvoir lire ses nouvelles, pas très réjouissantes mais cela m’encourage à poursuivre ma mission. Je préférerai de loin être auprès de vous et vous protéger, je suppose que notre demeure a été prise par les allemands, ils font tomber mes camarades les uns derrière les autres, je me sens tellement impuissant. Leurs blessures sont insoignables sur le terrain, pour la plupart, il faut passer par l’amputation, pour d’autres,  je me contente de les enterrer….Je vois tellement d’horreur, jamais je n’aurai pensé une seule minute que cela pouvait exister. Je suis tellement heureux de vous savoir envie et en bonne santé !

Je dois malheureusement vous laisser, le devoir m’appelle, je vous embrasse tous tendrement, je vous aime, votre mari et père, Fernand. »

 

Lettre bien courte a notre goût mais le fait de savoir qu’il était vivant, nous redonnait du baume au cœur et nous donnait espoir, courage et l’envie de continuer. Mère ne voulait pas, elle se l’interdisait même de penser une seule seconde qu’il pouvait disparaître, elle priait tous les soirs au coucher avec nous en espérant que Dieu nous entende. Chaque matin, à peine réveillée, elle s’agenouillait, demandant grâce afin de ne pas recevoir une mauvaise nouvelle dans la journée. Chaque jour passé était une bénédiction,  un soulagement.

 

Ne voulant pas abuser de l’hospitalité de Solange, nous prîmes congé. Nous remerciâmes cette brave femme comme il se le devait et sommes repartis sur les routes, vagabondé, errer, à la recherche d’un toit inhabité. Solange nous avait rempli les sacs de jute en provisions et en eau, cela nous a permis de tenir un moment ainsi que des couvertures. Moi j’étais toujours assis confortablement sur le dos ce cet âne regardant mes frères peiner à marcher, ils ne disaient rien, ils avançaient sans aucune plainte. Mère non plus ne se plaignait pas, pourtant, on pouvait lire sur son visage la fatigue et la contrariété. Qu’elle femme que notre mère, oui, qu’elle femme sublime elle était.  

 

1917-1920

 

Nous étions installés dans un abri de fortune mais nous ne manquions de rien, nous écrivions le plus possible à père mais nous n’avions plus nouvelle depuis sa dernière lettre, nos prières redoublaient de jour en jour, mère faisait mine de sourire et se contentait de nous dire qu’il ne pouvait hélas pas envoyer le moindre pli.

 

Mes frères et moi étions dans une école laïque gratuite, nous apprîmes par la même occasion qu’un mouvement avait débuté durant l’été 1915 afin de venir au secours des orphelins de guerre. En l’espace d’un an, toute cette mobilisation prit de l’ampleur.

Je me rappelle d’une photo de classe alors que j’étais à Saint Christophe, les garçons étaient vêtus d’un tablier de couleur foncé comme une sorte de robe que l’on passait par la tête, pas un ne souriait sur ce cliché qui nous immortalisait. Mon professeur avait une veste et un pantalon noir avec une petite collerette blanche et son sérieux faisait froid dans le dos.

Mère trouva un travail, elle s’occupait des enfants d’un grand seigneur, pour moi, s’en était un, il ne rechignait jamais quand il fallait mettre la main au porte monnaie, il lui proposa même de devenir sa « bonne ».

 Au jour aujourd’hui, je n’aime pas cette expression mais à l’époque, recevoir une telle proposition était presque un don du ciel, cela prouvait à la femme qu’elle était digne et travailleuse. Ce grand seigneur se nommait Monsieur Ambroise, veuf quadragénaire, il ne pouvait faire face à cette vie qui lui infligeait bien des malheurs. Père de deux fillettes à peine plus âgées que mes frères, il ne pouvait associer travail et « garderie ». Ho il adorait ses filles mais ne pouvait les mener avec lui et trouver une gouvernante à la hauteur de ses espérances n’était pas chose facile. Mère, heureuse et satisfaite, ne voyait qu’une seule chose, son salaire, afin de pourvoir à nos besoins. Une chose cependant me dérangeait. L’absence de mère. A chaque vacance, elle devait garder Chantal et Catherine, les deux filles de Monsieur Ambroise. Je devais rester sage au prêt de mes frères qui je dois dire avaient fort à faire, j’étais plutôt un petit garçon intrépide qui n’avait peur de rien. Jusqu’au jour ou ce bon seigneur organisa une fête en l’honneur de l’anniversaire de Chantal.

 

Hélène, je voudrais faire une surprise à ma fille. Pour ses quinze ans, j’aimerai qu’elle ait un anniversaire digne de ce nom, pourriez-vous vous en occupez ? Demanda Monsieur Ambroise.

 

C’est un grand honneur pour moi, Monsieur, je vous en suis gré !

Merci, c’est très gentil, en effet, je suis très pris avec mon travail et je n’aurai je crains, pas le temps de m’en occuper. Depuis le décès de ma chère épouse, je suis littéralement débordé et je ne veux en aucun cas que mes enfants en souffrent. C’est décidé, je vous nomme organisatrice de cet événement ! Dit-il avec un large sourire. 

 

 Mère acquiesça d’un signe de tête avant de repartir à la tâche. Elle avait huit chambres, trois salle- de- bains, un énorme salon et une grande cuisine à entretenir, sans compter le linge. De quoi être occupée un bon moment. 

Vortex Island, chapitre 1 (texte déposé)

Paris, le 12 Avril 2005, un couple rupin décide de parcourir le monde à bord de leur dernière acquisition, un superbe voilier à deux mâts.

 Issu de parents aisés, Steve, trente quatre ans, hérite du patrimoine familial après le décès de ses parents disparus mystérieusement en mer et son épouse Laura, trente ans, femme au foyer, seconde son mari en mettant à profit son savoir et ses quelques années d'études en archéologie.
Tout leur sourit, Steve se retrouve à la tête d'un immense empire qui triple le chiffre d'affaire chaque année, une superbe villa en plein cœur de Beverly Hill en maison secondaire et un duplex de 250m2 dans le 4ème arrondissement.
Cependant, une chose manque à leur bonheur, un enfant, malgré leur fortune, Laura est définitivement stérile suite à l'ablation totale de son utérus.
La nouvelle étant terriblement perturbante, angoissante et démoralisante, qu'un beau voyage est nécessaire afin de faire le vide et peut- être avec de la chance, combler cette absence en tissant un lien de filiation via l'adoption.
Steve et Laura ayant obtenu un agrément, plus rien ne les arrête et nullement question de passer par l'intermédiaire d'une association.

Une semaine avant la date de départ pour cette grande aventure, Laura aperçoit un article sur le journal quotidien dans lequel paraissent les dates de saison de l'opéra de Paris. Une, attire particulièrement son attention,"L'Amour des trois oranges" de Serge Prokofiev.
Très attirée par les prologues russes, ces quatre actes en version française a le grand mérite pour le spectateur francophone de permettre une bonne compréhension des dialogues et introduit avec humour des personnages féeriques pour atteindre un niveau de loufoquerie rarement vu à l'opéra.
Etant tous deux fans en comédie de farces et attrapes, ils décident donc de s'y rendre en compagnie de deux couples d'amis admirateurs eux aussi.
Moments magiques partagés, la soirée se termine devant une coupe de champagne avec pour discussion la vie de ce prince hypocondriaque chargé de guérir par le rire.

Arrive le moment ou Steve annonce leur départ en voyage avec l'intention de se rendre en premier lieu dans leur villa luxueuse, le voilier étant à quai à Port Leucate.
Cette idée suscite bien sur des envieux qui ne se cachent pas de l'avouer.

 -Et bien, faisons nous plaisir, partons tous ensemble, s'exclame Steve

 C'est décidé, ils navigueront tous les six à bord du "Bluenose" baptisé ainsi en mémoire à la goélette de courses légendaire qui a coulé près d'Haïti.


 

Résurrection, chapitre 1 (texte déposé)

Le 6 octobre 1962 naquit une petite fille nommée Charlotte dans une petite bourgade de Valence appelée communément Montélier. Sa venue au monde était très attendue par sa maman Marie Bréjent  épouse Tourneville, jeune femme de 19 ans, brune avec de longs cheveux soyeux et de grands yeux verts ; son papa, Alain Tourneville, bel homme de six ans son aîné désirait à tout prix un garçon et fut quelque peu déçu de sa paternité.

Montélier, village où Marie vit le jour, est l'un des exemples les plus septentrionaux des villages perchés que l'on trouvait tout autour du bassin méditerranéen. Marie et Alain y possédaient une petite maison très typique du coin et faisaient quelques jaloux. Un grand jardin entouré d'ifs la cernait.

Charlotte avait pris sa place au sein de la famille et était adorée par tous. Petite blondinette aux yeux noisette, elle babillait et souriait tout le temps. Quel agréable bébé !, pensaient les gens. Marie, fière de sa progéniture, l'emmenait partout avec elle et ne s'en séparait jamais.

Quelques mois après sa naissance, Charlotte fut placée en crèche car Marie devait reprendre le travail (elle avait dégoté un job de vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter pour dames). Sa patronne, Lisa, odieuse femme jalouse de sa beauté, lui en faisait voir des vertes et des pas mûres mais, pour Marie, pas question de perdre sa place. Elle était à présent mère de famille et voulait, à  juste raison, assurer le bien- être de sa fille.

Son mari, Alain, était boulanger dans une petite ville tout près de chez eux, à Barcelonne. Il se levait tous les matins à 5h00 pour entamer sa journée et rentrait le soir vers 20h00. 

Marie n'avait donc pas le choix, obligée de confier son petit trésor à Huguette. Le premier jour, ce fut difficile de se séparer de Charlotte. La crainte, le stress l'envahissaient mais la douceur d'Huguette mit Marie à l'aise et, après quelques paroles échangées, elle s'éloigna doucement pour regagner sa voiture afin d'aller retrouver sa chère patronne qu'elle détestait tant !

                Les jours, les mois passèrent. Il était temps pour Charlotte de rentrer à la maternelle ; elle parlait déjà bien pour son jeune âge, connaissait ses couleurs et savait compter jusqu'à dix. Elle fut donc admise dans une école privée, à la maternelle Sainte Justine. Marie aurait préféré un établissement public mais sa belle-mère Francine tenait absolument à ce qu'elle aille chez les Sœurs !

 "Quitte à régler moi-même les factures, disait-elle, ma petite-fille ira en école privée !"

Alain, lui, ne bronchait pas -maman a décidé comme ça, alors, on fait comme ça- !!!  Marie s’y plia donc et, sur la demande de la grand-mère, y emmena sa fille. Ah, il était clair que la maternelle était somptueuse, avec toutes ces fresques, ces peintures sur la vie de Jésus, ces lumières et cette petite chapelle accolée au mur de l'enceinte !.... Marie était subjuguée par tant de beauté et finit par se dire qu'elle avait bien de la chance de ne pas payer un centime !

A son entrée,  Sœur Thérèse s'avança vers elle.

-     Bonjour, ma fille, je m'appelle Sœur Thérèse et c'est moi qui vais m'occuper de ce bel ange. Quel est son prénom ?

- Bonjour, ma mère, je vous présente Charlotte ! dit-elle fièrement.

 -             Et bien, ma petite Charlotte, bienvenue dans ma classe. Va donc t'installer avec les autres, dit-elle d'une voix douce pour ne pas effrayer l'enfant.

Charlotte sans un mot s'exécuta. Elle ouvrit de grands yeux en découvrant sa classe, tourna la tête à droite puis à gauche, regarda ses camarades, puis finit par s'asseoir. Elle commença par se présenter aux autres enfants qui le firent à leur tour. Sœur Thérèse, toujours d'un ton léger, leur proposa de faire un dessin représentant leur famille. Charlotte se mit donc au travail et dessina sa maman, son papa puis se dessina elle-même. Elle avait rajouté un joli soleil, quelques fleurs, un peu biscornues, je vous l'accorde, mais des fleurs quand même.

Vint ensuite l'heure du goûter : une tartine de chocolat et un bon verre de lait chaud. Hum, se dit Charlotte, je vais me régaler. A peine le goûter fini, Sœur Thérèse les accompagna aux toilettes afin de se laver les mains et passage au pipi-room obligatoire.

Charlotte se sentait bien. Elle était heureuse, elle découvrait l'école !

- C’est le moment de la récréation ! Annonça  Sœur Thérèse.

Tous les petits se mirent en rang pour se rendre aux porte-manteaux, enfilèrent leur gilets et blousons et, sans un mot, se rendirent dans la cour.

Au bout de trente minutes, retour en classe, toujours en silence.

Quand vint midi, Charlotte vit ses camarades partir avec leur maman et/ou papa. Elle était triste car elle, elle allait à la cantine, elle aurait préféré rentrer chez elle pour rejoindre sa mère, trouver du réconfort et abuser de câlins et de bisous. Mais finalement elle ne fut pas déçue.

A son retour en classe, Sœur Thérèse s'adressa à ses chers bambins :

 - Mes doux agneaux, vous allez filer à la sieste, je vous demande d'être très sages et de vous rendre avec Sœur Marguerite, et sans bousculade, jusqu'au dortoir.

Une grande pièce les attendait : des petits lits avec, posés dessus, juste un matelas et un oreiller en plumes.

Charlotte se coucha, se mit sur le côté droit pour bien voir la porte d'entrée (des fois que maman vienne la chercher), leva les yeux et découvrit les étoiles blanches qui ornaient le plafond.

- Une étoile, deux étoiles, trois étoiles, quatre étoi.... Elle s'endormit, épuisée.

A son réveil, quelle surprise ! L’heure de la sortie ! Charlotte allait rentrer chez elle. Elle scruta le couloir en espérant voir Marie mais elle ne vit que le visage de sa grand-mère.

- Où est maman ? demanda t- elle, inquiète et prête à pleurer.

- Elle est encore au travail, tu vas venir chez moi en attendant et maman viendra te chercher dès qu'elle aura terminé, répondit la mamie.

Charlotte, rassurée, suivit sa grand-mère et monta dans la voiture. En effet, peu de temps après, Marie arriva.

- Maman, z'ai fait un beau dessin à l'école et z'ai goûté une tatine de colat avec du lait....

Charlotte raconta sa journée avec bonheur mais son petit front se plissa quand elle avoua à sa maman qu'elle était triste de ne pas rentrer à midi.

- Mais z'ai quand même bien manzé, tu sais ! De la niande avec des pâtes, un fromage et un yayout !

Marie se mit à rire de voir Charlotte aussi enthousiaste.

- Alors l'école te plaît, mon bébé ? demanda-t-elle.

- Oh, oui, maman ! z'ai bien zoué et z'ai fais la sieste, comme à la maison ! Z'y retourne demain, dis ?

Au retour d’Alain, Charlotte dormait déjà, elle s'était vite couchée pour être en forme le lendemain. Marie raconta donc à son mari la journée de leur fille sans omettre un seul détail.

Ils étaient tous deux soulagés de voir Charlotte contente et heureuse d'y retourner.

Trois ans passèrent et Charlotte rentra au cours préparatoire. Encore une épreuve à surmonter, le changement d'école, des devoirs, des leçons....

Mais ce n'était rien comparé à ce qui l'attendait. Charlotte commença à lire et sa volonté de réussir la porta à ouvrir un ouvrage qui l'émerveilla  "Cendrillon". Tous les soirs, elle demandait à sa maman de lui lire cette belle histoire illustrée de mille couleurs. Il était devenu son livre de chevet.

Charlotte travaillait très bien, elle revenait chaque jour avec de bonnes notes. Il faut dire que Marie la secondait merveilleusement, le professeur était content et le précisait sur ses bulletins de notes. Pourtant arriva le jour où ce dernier, Monsieur Lamotte, s'interrogea sur le comportement inhabituel de la petite fille. Il décida donc de convoquer ses parents afin d'éclairer sa lanterne.

- Bonjour, Madame Tourneville, je suis Monsieur Lamotte, le professeur  de Charlotte, Monsieur votre mari n'est pas là ?

- Bonjour, monsieur. Non, je suis désolée ; mon époux n'a pas pu se libérer, il travaille dur à la boulangerie, vous savez !  Mais je ne manquerai pas de lui faire part de notre conversation.

Monsieur Lamotte sentit bien la gêne de Marie mais passa outre et continua :

- Madame, je vous ai fait venir car Charlotte a un comportement inhabituel  depuis quelques jours. C'est une enfant qui, jusqu’à présent,  était joyeuse et pleine d'entrain, et, pour une raison qui m'est complètement inconnue, est devenue triste. Elle rêve sur sa feuille, ne m'entend pas l'interroger...Y a-t-il un évènement particulier qui se soit passé dans votre famille et qui aurait des répercussions sur elle ?

Marie, très embarrassée, passa sa main sur sa nuque et réfléchit très vite à ce qu'elle allait répondre.

- Eh bien...je ne vois pas. Peut- être est-elle fatiguée ! répondit-elle.

- Madame Tourneville, je comprends que Charlotte puisse être fatiguée de ses journées mais il faut absolument qu'elle se couche tôt afin d'être attentive en classe. Si vous voyez une autre raison qui pousserait cette enfant à s'enfermer dans sa coquille, venez vite m'en parler que l'on puisse intervenir rapidement.

Monsieur Lamotte resta sceptique sur la réponse de Marie mais n'insista pas, car après tout, c'était la première fois que ça arrivait. Il reconduisit donc Marie jusqu'à la sortie en la remerciant de s'être déplacée et la pria au passage de saluer son mari pour lui. Marie, soulagée que cette entrevue soit enfin terminée, rentra chez elle, le cœur serré.

- Charlotte ? Charr...lotte ?

-              Oui, maman, qu'est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle.

-              Je reviens de ton école où Monsieur Lamotte s'inquiète de ton changement de comportement. Tu rêverais, paraît-il, et tu ne participes plus au cours ! Que se passe-t-il, mon ange ?

 Charlotte serra les dents et répondit :

-              Papa me manque. Quand je me lève le matin il est déjà parti et quand il rentre le soir, je suis déjà couchée. Tu sais, maman, je vous entends aussi quand vous vous disputez, ça me réveille....

- Ma pauvre chérie, répondit-elle, je ne le savais pas ! Tu aurais dû m'en parler !

Elle s'assit à côté d'elle, lui prenant la main, puis elle poursuivit :

- Tous les parents se disputent, mon ange. Après tout redevient normal. Papa est très las en ce moment, il travaille vraiment très dur et a tendance à s'énerver un peu mais ce n'est pas grave. Est-ce cela qui t'inquiétait autant ?

Charlotte regarda sa maman et vit une petite larme couler sur sa joue. Elle comprit qu'elle avait un chagrin, elle aussi. Cependant, elle garda le sourire.

- Oui, maman. Mais est-ce que papa m'aime ? Et tu m'aimes, toi ? demanda la fillette inquiète.

- Oh, que oui ! Quelle idée ! On t'aime vraiment très fort. N'en doute jamais, répondit Marie.

Le temps passa vite et Charlotte ressentait toujours ce même malaise monter en elle. Elle grandissait avec une angoisse perpétuelle qui la hantait profondément. Mes parents se disputent beaucoup trop, pensa-t-elle. Quant à Marie, son beau sourire s'effaça de son joli minois ; elle commençait à changer elle aussi, devenait rigoriste, comportement qui ne collait pas avec sa personnalité. Elle était désormais sévère, autoritaire, ne supportait plus grand chose et pleurait souvent, dans sa chambre pour ne pas que l'on s'aperçoive de sa faiblesse. Elle voulait qu'on la croit forte et déterminée.

 

 

 

Valley States, chapitre 1 (texte déposé)

Concord, à l’Ouest de Boston, dans le Kentucky, Isabelle, jeune maman de trente- six ans, élève seule sa fille Sylvia qui n’accepte pas le décès de son père et qui, par méchanceté et jalousie,  sabote la vie de sa mère afin de faire fuir les prétendants qui pourraient rendre sa maman heureuse.  Malheureusement pour Isabelle, sa fille y parvint à chaque fois et lui rend la vie impossible l’accusant d’être la cause de ce manque paternel dont elle souffre.

Toutes deux pourtant bien installées dans une chouette villa de charme, enclavée de jardins bucoliques et de rues ombragées  dans les hauteurs de Newbury Stat, Sylvia ne trouve pas sa place et accumule les bêtises, les larcins, les mensonges et refuse de poursuivre ses études. Isabelle qui a fréquenté l’université de Harvard aurait bien voulu que sa fille marche dans ses pas. Mais la jeune fille préfère pratiquer l’école buissonnière et traîner avec ses copains à un tel point que sa mère craque et décide de passer la vitesse supérieure.

Boston est pourtant une ville riche d’une intense activité intellectuelle et culturelle, capitale et  principale ville de l’État du Massachusetts, elle offre en son centre de nombreux édifices de l’époque coloniale et la culture bostonienne est alors très influencée par les valeurs du puritanisme ainsi que la théologie.

Bref, Isabelle fait de son mieux pour élever sa fille qui se contente de lui manquer de respect et d’en faire qu’à sa tête, jusqu’au jour où….

-Sylvia, tu ne me donnes pas le choix, je ne peux plus essuyer  tes erreurs, explique moi bon sang, parle ! Je t’ai tout donné depuis la mort de ton père, je fais tout pour que tu ne manques de rien…

-Arrête, tu vas m’faire pleurer !

- Même ta façon de me parler ne me conviens pas, il n’y a aucun respect vis- à- vis de moi, que me reproches- tu exactement ?

- C’ que j’te r’ proche ? Elle est bien bonne celle- là…c’ que j’te r ‘proche ? Ha…. ! j’ pensais qu’t’avais compris d’puis l’temps !

- Et bien non, tu vois, alors explique moi !!

- Yo, ma rem pète un boulon ! Trop excellent…tu veux un joint ? Tiiiise….ça fait du bien et pendant c’temps, j’entends  pas tes conneries !

Il était clair qu’arrivée  à ce stade, Isabelle devait réagir au plus vite. Elle tenta donc une nouvelle fois de communiquer avec elle afin de lui faire comprendre le sérieux de la situation.

-Sylvia, si tu ne changes pas de comportement, je vais devoir prendre une décision qui va changer le cours de nos vie à toutes les deux, en es- tu consciente ?

-Et que pourrais- tu bien faire pour continuer à me pourrir la vie ? Dans ce domaine, tu as la première place sur le podium !

-Je t’interdis de me parler de la sorte, tu l’auras voulu, je demande ton émancipation dès demain !

-Mon quoi ? Parles  français, j’comprends pas !

-C’est simple, tu seras affranchi  de l'autorité parentale, je vais saisir le juge des tutelles.

-Ca veut dire quoi exactement ?

-Que tu deviendras juridiquement capable, comme un majeur,  d’assumer  tes actes !

Isabelle savait très bien que la procédure d'émancipation pouvait  durer plusieurs mois, mais rien que le fait d’en faire la demande suffisait par la soulager. Elle ne savait plus comment faire ni comment lui parler, dès qu’elle ouvrait la bouche, sa fille lui aboyait dessus à la faire pleurer. C’était devenu invivable, ingérable, insupportable. Les visites chez le médecin….une vraie ruine pour Isabelle qui craquait totalement, sous anti- dépresseurs depuis plusieurs mois, elle fut obligée de mettre sa carrière entre parenthèse, assommée par les médicaments, elle ne sortait plus de chez elle, elle restait là, enfermée, à squatter son canapé.

Sylvia se contentait de la regarder avec mépris, pourtant elle n’avait aucune raison de se comporter de la sorte. La santé de sa mère ne la préoccupait pas le moins du monde, elle ne pensait qu’à  elle et à son chéri Romain qui prenait un malin plaisir à lui faire des promesses qu’il ne tenait jamais. Elle ne voyait même pas qu’il la menait en bateau, elle ne savait même pas ou il passait ses journées et ses soirées, il était souvent saoul et méchant mais elle persistait à croire que c’était l’homme de sa vie. Ah, La jeunesse…..les adultes sont toujours idiots et ignorants, il n’y a qu’eux d’intelligents et responsables. Sylvia était encore bien jeune et elle avait encore du chemin à parcourir afin d’acquérir de l’expérience, mais comme tous les jeunes de son âge, les grands qui avaient ce genre de paroles dans leur bouche n’étaient que des abrutis.  Il n’y avait vraiment rien à faire, Sylvia était une gamine paumée qui ne faisait que les mauvais choix. 

Un soir, alors qu’elle venait de se disputer avec Romain, celui-ci la jeta hors de chez lui, clamant haut et fort qu’elle n’était qu’une peste, une emmerdeuse. Paniquée, elle lui demanda ce qu’elle devait faire pour qu’il l’accepte telle qu’elle est. La voyant en larmes, prête à tout pour lui, ce dernier en profita, un peu trop même.

-Crame une baraque et tu seras digne d’être à mes côtés.

Une heure après, complètement ivre, marchant au hasard, titubant, une bouteille de whisky  à la main, elle passa  devant la maison du philosophe Amos Branson  Alcott, elle s’arrêta un moment la regardant puis fronça les yeux. Elle se rappela les paroles de Romain qui raisonnèrent encore dans sa triste tête.  Elle arracha un morceau de sa manche, l’enfourna dans le goulot, y mit le feu et l’envoya tout droit au travers de la porte d’entrée vitrée.

Heureusement, pour cet homme et son épouse, auteur des «  quatre filles du docteur March », il n’y avait personne. Ceux-ci étaient partis en voyage avec leur fille.

Quant- ils furent averti, ils roulèrent sur la route à péage via le tunnel Ted Williams avec une voiture de location de chez National et Thrifty réservée quelques temps auparavant, la leur ayant brûlée, on se demande par qui.  La nouvelle ne fut pas réjouissante loin de là. Quant- ils furent arrivés devant le désastre, les sapeurs- pompiers étaient toujours en train de combattre le feu, les flammes avaient envahi le premier étage brûlant tout sur son passage.

À Boston, les importants incendies qui eurent lieu ont incité la ville à prendre d'importantes mesures pour pouvoir lutter contre les pyromanes,  un système de « surveillants » fut mis en place, ils avaient pour mission de patrouiller à travers la ville en inspectant les cheminées des bâtiments. Peut- être ont- ils vu quelque chose…mais les problèmes de désaccords et de maîtrise de la répartition des territoires existaient encore.

Heureusement, le combat contre le feu demeure un mélange de volontaires et professionnels, les services des secteurs ruraux se composent essentiellement de volontaires tandis que les pompiers à temps plein dominent dans les villes et les secteurs urbains, même s'il y a parfois des exceptions locales.

Bref ils étaient nombreux et ce n’était pas n’importe quelle maison qui s’enflammait. Malgré tous leurs efforts, il ne restait pas grand-chose, juste le garage et la buanderie à l’arrière côté jardin. Bien sûr, l’Auteur exigea une enquête approfondit,  mais ils étaient déjà sur l’affaire d’un militant politique pour piratage informatique, ainsi que deux homicides en passant par un réseau de trafic d’armes. Vu l’ampleur des dégâts, à part fouiller dans les décombres dans l’espoir d’y retrouver le départ, la cause de l’incendie….Cependant, au bout de quelques jours, un enquêteur assez pointilleux et curieux de surcroît, retrouva la fameuse bouteille, enfin ce qu’il en restait et découvrit des empreintes, partielles, certes, mais des empreintes quand même.  Une fois au laboratoire, elles furent relevées. D’où la question, comment un capteur émetteur à ultrason peut-il enregistrer des caractéristiques d'une empreinte suffisamment remarquables pour la différencier avec une autre ?

Après avoir suivi le protocole,  le balayage vertical de l'oscilloscope indiqua l’identification du personnage, Sylvia fut arrêtée sur le champ. Isabelle, dépitée une fois de plus, demanda le nom de cet enquêteur afin d’être sure et certaine que c’était bien sa fille qui était à l’origine de ce désastre.

Affaire rapidement jugée sur la demande expresse de Monsieur Branson  puisque tout juste deux semaines après, l’adolescente se retrouva au tribunal.

-Dans l’affaire Smith/Branson, accusée, levez-vous ! S’exclama le  procureur. La loi fixe les majorités civile, politique et pénale à dix-huit ans. Avant cet âge, l'enfant et l'adolescent sont soumis à l'autorité parentale, protégés, assistés, représentés selon les cas. Hors, votre mère ici présent, Madame Smith Isabelle, après une demande d’émancipation attribuée par le président du tribunal de grande instance, amène l’accusé de crime passible de la cour d’assises des mineurs et encourt la moitié de la peine maximale encourue par un adulte. N’étant pas récidiviste, la peine ne peut être portée aux mêmes quantum que pour un majeur.

Au final, Sylvia se retrouva à  purger une peine de dix- huit mois au Valley State, le plus grand établissement pénitentiaire pour femmes de Californie. Ses voisines de « chambres » loin d’être des cadeaux étaient tombées pour meurtre et vol à l’étalage, deux crimes totalement différent et pourtant dans la même cellule. L’une accroc à sa radio et l’autre à ses dessins.

-Salut, ton pieu est en haut, tu m’adresses pas la parole et tu fais pas chier, ça m’évitera de te tailler un beau sourire. Dit l’une d’elle.

Ça commençait déjà mal, les présentations avaient été plus que raccourcies. Elle s’installa sur son lit grinçant et rouillé se demandant comment tout cela allait finir. Le regard de sa « colocataire » lui inspirait rien de bon, quant- à l’autre elle s’amusait à recracher sa fumée en plein visage dans l’espoir peut-être qu’elle finisse par broncher et entamer un combat. Elle finit quand même par la laisser tranquille et alluma son poste.

-Chuttttt, écoutez…..

« Voici, après la question de la peine de mort ou les condamnations arbitraires touchant la population noire, une nouvelle preuve que les États-Unis poursuivent une politique qui n’est pas digne d’une démocratie. En particulier, dans ce pays, les droits de la personne les plus élémentaires sont niés dès lors que l’on a commis une faute ou  voir les événements récents  dès qu’il est question de sécurité intérieure. L’administration Bush s’applique clairement à créer un climat de peur généralisée qui lui permet d’agir à sa guise en bafouant sa propre constitution qui n’est pas un modèle du genre,  n’oublions le droit de chaque citoyen à posséder une arme. Ceci n’est pas du laxisme,  il s’agit bien d’actions et de mesures délibérées ! Aidons les citoyens américains à se réveiller ! » 

-Non mais, vous avez entendu ça ?

Et le débat était parti pour une partie de la nuit. Comment dormir avec deux pipelettes qui commentent chaque parole entendue ?

« Les fouilles par palpation faites par des surveillants du sexe opposé,  fouilles impliquant que les surveillants touchent des parties intimes de l’individu sont en elles-mêmes dégradantes, incompatibles avec les engagements internationaux en matière de droits humains et constituent une forme de violence envers les femmes ».

-Ouais, suis d’ac avec la gonz !

-Eh, tu crois qui s’est passé  quoi à mon arrivée, hein ? Il s’est pas gêné l’maton, et un doigt par ci une main par-là, j’avais envie d’le crever !

-Oui moi aussi…dit Sylvia.

-On t’as demandé de parler la gamine ? J’veux pas t’entendre, tu fermes ta gueule, pigée ?

Il ne se passait pas une semaine sans bagarre. Tout était l’occasion d’une baston, pour se faire respecter, un morceau de haschich, pour se défendre, pour défendre l’honneur de sa mère, pour défendre une copine, et surtout pour rien. Souvent elles ne se souviennent même plus de l’origine de l’altercation. Comme on ne peut pas se battre dans sa cellule, c’est dans les couloirs que les rixes éclatent, au moment des déplacements dans la cour avec systématiquement l’intervention des surveillants et souvent c’est direction le mitard pour les plus bagarreuses. Le top du top c’est le coup de poing à l’abri du regard des surveillants, dans la salle d’attente du parloir, au vestiaire du gymnase ou à l’infirmerie.

-Je voudrai simplement savoir comment se faire respecter et comment se passe la vie ici ! Insista t- elle.

-Non mais, regarde-moi c’trou du cul, elle a peur de rien la fifille…. !

-Laisse là tranquille, j’aime son style, c’est comment ton prénom ? Moi c’est Linsey, elle, là, c’est Romi.

-Sylvia….moi c’est Sylvia !

-Alors Sylvia, je vais t’expliquer une chose, ici en prison, tout est affaire de hiérarchie. Pour vivre ou plutôt pour survivre il faut rapidement comprendre qui est l’autre. Il y a de nombreux codes. Entre autres, la manière dont on s’interpelle. Si le prénom est réservé aux adolescents, les noms de famille sont réservés aux  matons. Lorsqu’ils veulent être plus proches, il s’appelle par leur prénom. Dès qu’ils veulent rejeter quelqu’un, le condamner, le zigouiller, c’est par le nom de famille. Maintenant, y a une caïd, tout passe par elle, quant- on s’adresse à elle s’est par son nom et son prénom, ne l’oublies jamais. Maintenant va dormir, demain est un autre jour et tu vas être confrontée à de vraies garces !

Sept heures trente, un gardien vint ouvrir la cellule et donna de l’eau chaude pour agrémenter le mélange café plus chicorée qui leur avait été distribué la veille. Sylvia n’avait pas l’habitude de se lever si tôt, la tête enfarinée, elle se leva déjeuné. Romi en profita pour lui donner son courrier, une lettre écrite pour ses enfants qu’elle n’avait pas vus depuis deux ans.

-Aujourd’hui, c’est le jour de la douche ! On y a droit trois fois par semaine sinon c’est une simple toilette à l’eau froide ! A huit heure, si tu veux, y a des  travaux ou des activités ou sport ou école, à toi de choisir ton occupation, moi perso, je bulle dans mon pieu avec un bon bouquin ! Vers onze heures trente, le repas de midi arrive et nous est remis en cellule, et oui pas de cantine, ça évite les bagarres…après t’as la promenade et re activités. Et si t’as la dalle, le repas du soir est à dix-sept heures trente ! Tu vois, pas de surprise, chaque journée ressemble à la précédente et à la suivante. Le temps passe... tu fais juste attention à ton cul, tu ne regardes pas les autres dans les yeux, tu parles à personne et tout va pour le mieux !

-Et la bouffe, ça va ? demanda Sylvia.

- En principe, il y a une entrée et un plat. Pour compléter ça, très souvent, nous avons un hamburger, une saucisse ou une viande bouillie, en dessert,  fromage, yaourt ou fruit. Pour ceux qui ont connu l’armée ou la vie en collectivité, ces repas sont dans la bonne moyenne.  Bref, tout cela est assez banal, quelconque, rarement bon, souvent mangeable pour quelqu'une comme moi qui ne suis pas trop difficile. Pour certaines, c'est l'enfer, elles ne mangent rien. Pendant un mois, j'ai relevé les menus, il n'y en a pas plus de 15 différents.

-Linsey….je suis pas une bagarreuse…la vie en prison me fait peur ! Je vais y laisser ma peau, ici !

-Tu n’as pas vu le pire ! Il y a deux mois, au moins dix-sept détenues ont perdu la vie lors d'une bagarre, un carnage !

-Qu’est- ce- qui s’est passé ?

- Un affrontement meurtrier entre membres de deux gangs rivaux, elles sont entrées dans le secteur de la détention préventive et ont ouvert le feu sur des détenues qui s'y trouvaient. Elles étaient armées, et la police enquête pour savoir comment elles ont pu introduire des armes dans la prison. Te fais jamais choper pour une bagarre, la dernière s’est vu  avec huit mois de prison supplémentaire alors qu’elle devait sortir une semaine après. 

-Ouais, ici c’est chacune pour soi, on se bat pour rester envie, à moins que t’es des tunes, là, no problem, tu trouveras toujours quelqu’un pour te protéger, tant que t’allonges la monnaie ! Rajouta Romi.

-On a des filles à papa qui se payent les services de notre caïd, interdiction totale d’y toucher sinon tu crèves comme une chienne, et c’est pas peu dire ! Le blem ici, c’est que même si tu ne cherches pas la merde, il suffit d’un ptit truc et boum ça part en vrille, tu t’retrouves avec une lame dans le bide ou entre les deux omoplates ! Fais comme moi, moins tu sors de ta cellule plus t’as de chance de rester vivante !

-Vraiment pas rassurant les filles ! Je n’ai fait que cramer la baraque d’un mec connu, alors y laisser ma peau pour une connerie aussi banale, trop peu pour moi !

-Bienvenue à Vallet State !

Sylvia retourna sur son lit, se demandant comment elle allait survivre, elle en voulait deux fois plus à sa mère qui par l’émancipation l’avait projeté dans une prison pour femme, « pour mineur, c’était suffisant » pensa t- elle.

-T’as cramé la baraque de qui ? Demanda Romi.

-Celle d’un philosophe…c’est bien ma veine, je ne le savais même pas ! Dix-huit mois pour ça !

-Et oui, les lois américaines sont parfois absurdes, faut faire avec !

Elle n’avait pas tort, dans l’ Arkansas, un homme peut battre sa femme, mais pas plus d’une fois par mois, en Arizona, les femmes n’ont pas le droit de conduire un véhicule en robe de chambre, en Californie, il est illégal de nettoyer sa voiture avec des sous-vêtements usagés, en Floride, les femmes ne sont pas autorisées à casser plus de trois assiettes par jour….et beaucoup d’autre encore ! Rien qu’en Oklahoma, toute personne ne peut avoir une amende ou être condamnée à la prison pour avoir fait une grimace à un chien ! Les USA sont un pays vraiment surprenant de diversité et de paradoxe tous plus farfelus les uns que les autres, les américains étant très fort quand il s’agit de faire appel à la jurisprudence.